Genèse du club (1936-1937)
La discussion est vite entamée malgré quelques réticences: “J'aurai souhaité une table ronde où seraient présents tous les anciens vivants. Les risques d'omission seront réduits”. Une suggestion tout à fait pertinente, mais pris par le temps nous devions nous contenter de notre initiative.
M. Kemmat avoue que l'idée de créer un club est venue comme cela. Elle avait commencé à germer au courant du mois de mai 1937. “Il y avait une équipe de quartier, le club sportif de la rue saluste qui nous avait plu. Nous, c'était Lahmar dit Ali Zaid, Zemmour Ali, Slimani Ali, Bennour Said, Meddad Arezki,Sid Ali Terkmane et moi, une bande de copains de quartier qui vivait les temps durs de la colonisation. Nous discutions souvent, de tout, des choses de la vie.. Et puis de fil en aiguille nous arrivions au sport. L'exemple des clubs musulmans de l'époque nous enflammait. Un désir ardent de faire quelque chose nous gagnait chaque fois que le sujet était abordé. Tous ces clubs nous avaient inspirés, parmi lesquels l'OSM Oran créée, elle , en 1928 pour ce qui est de l'appellation je connaissais tous les rouages d'une telle opération. Mes fréquents contacts avec Mouloud Djazouli dirigeant très actif du MCA m'avaient beaucoup appris. Je me mis tout de suite au travail. Il fallait préparer les statuts et le dossier à déposer auprès des services de la préfecture. Aussitôt dit, aussitôt fait, le dossier est enregistré sous le numéro - attendez si mes souvenirs sont exacts - 1687. Le seul truc qui <<choquait>> l'administration coloniale était le mot musulman. Il était très mal vu. On discuta, on argumenta des deux côtés et l'agrément fut accordé. Le 5 juillet 1937 le club était crée. L'USMA était née. Son siège se trouvait à la rue du Divan. Son premier conseil d'administration comprend bien sûr les premiers nommés ci-dessus auxquels viendront s'ajouter Amrani Abdelkader, Hemmaz Omar, Lakehal Omar, Basta Mohamed Ouali, Zennagui Mohamed, et Cherifi Ali. Le premier président fut Meddad Arezki, le propriétaire du café du quartier. Quand on le lui annonça, ce cher Arezki, il était aux anges!”.
Avant-guerre (1938-1954)
Le premier championnat
L'Union sportive musulmane algéroise rouge et noir était donc née et était prête à participer en 1938 au championnat de troisième division. À cette époque beaucoup de joueurs avaient émis le vœu de venir dans ce club, malheureusement le règlementation (licence B) le leur interdisait. De plus, tous les clubs engagés devait avoir un stade pour la compétition. Un critère pour lequel la fédération d'alors se montrait intransigeante. Voilà ce que fit M. Kemmat devant ces deux problèmes : “La fédération de l'époque exigeait un contrat avec un stade d'une durée minimum de cinq ans. Ceci pour assurer le déroulement des compétitions. J'avais contacté les dirigeants de l'O. Pointe Pescade (l'actuel Rais Hamidou) et nous nous étions entendu en versant, annuellement, à ce club cinq mille francs. Pour l'argent, inutile de vous dire d'où il provenait”, ajoute-t-il avec un soupir qui en dit long sur l'état d'esprit qui régnait en ce temps-là. Plus intéressés que jamais nous nous interrogions sur cette question et plus particulièrement sur cette histoire de licence (B).
Sourire en coin, Ammi El-Hadj nous confie “ Nous nous étions sciemment affiliés à la Fédération Sportive de Gymnastique du Travail (FSGT) la première saison. Du coup, lorsqu'on passa à la fédération de football précisément, il n'y avait plus aucun obstacle. Tous ceux qui voulaient opter pour l'USMA pouvaient le faire. Il n'y avait aucun empêchement. On débuta, donc, en troisième division et on termina à la troisième place. Ce n'était pas si mal pour un début. Quant à l'argent, il provenait tout simplement des quêtes, des dons et des recettes des fêtes que l'on organisait. Les autres clubs amis nous prêtaient gracieusement les équipements et mettaient à notre disposition les terrains pour les entraînements. Voilà quelles étaient les ressources de l'USMA de l'époque. Il faut vous dire aussi qu'en ce temps-là, le joueur payait sa cotisation, son équipement et même son ... déplacement”. Combat politique, le sport "indigène" devait survivre et les sacrifices de tous genres ne se comptaient plus.
Le passage de la 3e à la 1re division
Puis arrive la guerre mondiale, la deuxième, plus cruelle que jamais. La compétition officielle est arrêtée. Un championnat symbolique la remplace. Deux groupes sont créés. L'USMA se trouve avec le Gallia, le RUA, l'autre groupe comprend le MCA, l'ASSE entre autres. Cela dure trois saisons.
M. Kemmat passe la main sur ses cheveux, tire une bouffée de sa énième cigarette et ajoute: “ C'était une façon de nous faire connaître et les résultats ne se sont pas faits attendre. Ibrir Abderahmane ancien demi-centre de l'ASTA est devenu gardien de but chez nous et à même connu sa première sélection d'Alger sous nos couleurs. Par la suite, d'autres footballeurs, séduits par le club, l'ont suivi. Il y a eu Zitouni Hassen, Zouaoui Rabah, Mahmoudi Smain - un ailier vif comme l'éclair bien qu'il boitait d'une jambe - tous du MCA. Naceri M'hamed et Houari du GS Orléans-ville (actuel Chlef), Berkani de l'Olympique de Tizi-Ouzou et beaucoup d'autres encore....”.
L'USMA est un club connu malgré le peu de moyens qu'il possède. La reprise des compétitions officielles survient en 1942. Pour la saison 42-43, l'USMA revient en troisième division selon la réglementation en vigueur. M. Kemmat intervient: “ Les règlements le stipulaient. Vous pensez bien, faire une faveur à un club musulman était inimaginable. Néanmoins au bout de cette saison, l'USMA accède en deuxième division avec Mustapha El-Kamal comme entraîneur. Que dis-je, il était plus que cela, un éducateur, un père pour tout le monde. La mentalité qu'il inculquait devait nous servir bien longtemps après son départ. Un grand homme assurément. Son image est encore vivante, là où il est passé”.
L'USMA accède par la suite en 1951 en première division avec les Krimos, les frères Azzouz, Chabli, Benhaik... C'est en même temps, la veille de la période des grands départs vers Hammam-Lif. Ô Bologhine, Nous venons à toi munis de tambours et des drapeaux, ... ce refrain scandé par les supporters usmistes qui personnifie le lieu de leur rencontre, lieu de partage des joies et des peines mais aussi des gloires et des victoires de leur club chéri, tel un temple, regroupant ses adeptes, cet espace est devenu mythique pour les fans de l'USMA.
Son emplacement limitrophe entre les communes de Bologhine (Ex Saint Eugène) et Bab-El-Oued, lui donne l'avantage de dominer une superbe baie surplombée par le promontoire du quartier de Z'ghara et de la basilique Notre-Dame d'Afrique.
Cette localité qui était très prisée pour sa beauté, depuis l'époque ottomane, et où étaient localisées des résidences d'été de deys ainsi que certaines représentations diplomatiques telles que les consulats de France, Belgique, Angleterre et États-Unis, passa au rang de commune à l'époque coloniale et ce à la date du 14 septembre 1870 où elle fut baptisée sous le nom de Saint-Eugène en hommage au compte Eugène Guyot, directeur civil d'Alger de 1839 à 1844 et qui donna aussi son nom a la ville de Guyotville (aujourd'hui Aïn Benian).